Ce fut une surprise
quand à la fin du mois de juin 2016, je reçus un appel de Sœur Chantal Fert, ancienne
Provinciale des Filles de Marie Auxiliatrice de France (FMA, Salésiennes de Don
Bosco), me demandant si je pouvais me rendre disponible pour les JMJ de
Cracovie et si je pouvais participer à l’interprétation des homélies du Pape
François, de l’italien vers le français.
Sœur Chantal avait proposé mon nom à l’actuelle Provinciale Sr Geneviève Pelsser.
Coopératrice
salésienne, je n’avais jusques là jamais pratiqué l’interprétation simultanée,
réservée en général à des professionnels de haut niveau : j’ai
passé en effet une bonne partie de ma carrière comme traductrice, responsable
d’une équipe de traducteurs et d’interprètes au sein de mon entreprise publique
de transports parisiens (RATP) et les interprètes professionnels constituent
véritablement une élite. Sœur
Chantal savait par ailleurs que je
faisais des traductions d’articles italiens pour la revue DMA, des Filles de
Marie Auxiliatrice. D’autre part, je guide plusieurs fois par mois les visiteurs italiens de Notre Dame de Paris, dans le cadre de l’association
CASA-Notre Dame, une Pastorale du tourisme. Enfin, j’ai vécu à Rome.
Tout cet acquis ne
suffisait pas selon moi à faire un interprète de bon niveau, à plus forte
raison quand l’intervenant se trouvait être le Pape lui-même !
Je proposais donc un
temps de réflexion à Sœur Chantal, histoire de demander conseil à mes fils !
Ces derniers m’engagèrent immédiatement
à répondre par l’affirmative et le 19 juillet, je m’embarquais en compagnie de
ma future coéquipière, Sœur Anne-Marie, Salésienne de Don Bosco, vers Cracovie,
en quête d’une expérience inédite : interpréter les homélies du Pape. Le
temps n’était plus à l’hésitation, le sort en était jeté.
L’équipe que nous avons
retrouvée à Cracovie, d’une quarantaine de membres, était dans son
ensemble composée de jeunes femmes et de
prêtres de toutes les nationalités , Etats Unis, Amérique latine, Russie,
Tchéquie, Pologne, Italie, Allemagne, Autriche, etc… La langue commune était
bien sûr l’italien, mais aussi l’anglais.
Je découvrais avec amusement que j’étais de loin la plus âgée, mais j’aime
l’aventure. Quel plaisir ce fut de nous retrouver le premier soir une dizaine
de jeunes et de moins jeunes, autour d’une table en terrasse, prêts à faire
immédiatement connaissance en de multiples langues.
Les premiers jours furent
consacrés à une formation individuelle en cabine, puis en binôme, sous la
conduite bienveillante d’Ola, interprète professionnelle, et de Mateusz. Joanna nous accueillait et
restait à l’écoute, Daniella assurait le bon fonctionnement du groupe et
…répondait patiemment aux questions !
Cette période
particulière favorisait entre nous tous un échange sur le plan de nos
convictions spirituelles, commun et spontané, loin des contraintes que
constituent la vie ordinaire et les
rencontres avec les acteurs croyants ou moins croyants de cette réalité, croisés
sur notre route quotidienne.
Cracovie, que nous
visitions les premiers temps, se
peuplait de jeunes manifestement en proie à une allégresse que nous partagions,
au gré des concerts de rue et des chœurs improvisés. Cracovie, que je découvrais avec émerveillement, était
non seulement une ville superbe, mais aussi marquée par l’Histoire. Nous avons vu
un certain nombre d’églises, la cathédrale, au cœur du Wawel, ce château qui
domine la ville, le Kazimiertz, ou quartier juif dont certaines façades portent
encore des traces de la guerre, et de l’autre côté de la large Vistule, le
musée Schindler, visité également. Dans le centre de la ville, le Collegium Maius était partiellement fermé. Cracovie pour
l’occasion ouvrait aux arrivants les portes du magnifique Sanctuaire de la
Miséricorde divine, construit il y a quinze ans par l’architecte Witold Cęckiewicz, un jeune
homme de 92 ans , un aventurier lui
aussi. La messe d’accueil y fut célébrée le lendemain de notre arrivée.
Loin
de la France, des échos des derniers attentats de Nice, nous fûmes cependant
rejoints par le terrible drame de l’assassinat du père Jacques Hamel, dans
l’église Saint Etienne du Rouvray, à quatre- vingt kilomètres de chez moi, en
Normandie.
Lorsque
le pape François vint retrouver la foule des JMJ, et alors que nous l’attendions du fond de nos
cabines d’interprétation, prêts à dresser l’oreille et à traduire ses paroles
le plus fidèlement possible, j’eus le sentiment d’être, tel Zachée, montée en
un lieu élevé d’où je pouvais dominer la scène et me rapprocher de Celui qui
donnait tout son sens à cette manifestation hors du monde et hors du temps. Toujours
dans l’Evangile, Pierre face à Jésus transfiguré, vivait un moment hors du
monde, qui suscita certainement en lui le désir de rester au sommet de la montagne avec
son Maître. Or, ce fut Jésus lui-même qui l’encouragea à redescendre, à
retrouver la réalité dans toute son âpreté et dans toute sa violence[1].
Ces
journées à Cracovie, ce moment hors du temps, privilège surprenant vécu au milieu
d’une équipe privilégiée choisie au gré
des disponibilités et des compétences, ont été pour moi une forme de viatique,
une provision spirituelle pour l’avenir : rejoindre la réalité de tous les
jours, retrouver mon bâton de pèlerin, prenait une saveur nouvelle.
Nous
sommes tous l’objet d’un choix précis, pour la Providence. Nous fîmes l’objet
d’un choix particulier, pour les JMJ .
Il s’agissait désormais de retourner à une réalité âpre, violente,
certes, mais si riche et où nous avions à travailler plus que jamais à notre propre
conversion et à celle des autres, dans la joie comme dans la difficulté. Tel
fut le message du pape François : « La voie de la Croix est la seule qui vienne à bout du péché, du mal et
de la mort, parce qu’elle plonge dans la lumière radieuse de la Résurrection du
Christ, vers les horizons d’une vie renouvelée et pleine. C’est la voie de
l’espérance et de l’avenir ! »/
Odile HALLAIRE
Salésienne Coopératrice Paris
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